Chers tous,
Cette semaine reprise de Dimanche Seven après une semaine de pause. Ici on ne commentera pas l’actualité politique française. En revanche chacun sait ce qu’il ressent au fond du cœur.
Aussi peut-on enfin se projeter un peu dans l’après (vous vous souvenez du fameux rétro-planning). Alors cette semaine en particulier, nous ferons un focus sur deux futurs éminents membres de l’Administration Biden en cours de constitution, et qui de l’avis de beaucoup est surtout une Administration Obama III (avec les plus et les moins embarqués).
Excellent premier dimanche de première phase d’allègement du confinement.
Amitié,
Grégory
Josef Albers, Study to Homage to the Square: "Atuned" (JAF: 0817), 1961
🦅 9 things to know about Antony Blinken, the next US secretary of state (Politico, Nov 23, 2020)
Par David M. Herszenhorn et Rym Momtaz
✏️ 9 choses à retenir sur cette nomination très Downton Abbey version démocrates U.S.
M. Blinken est, pêle-mêle, pro-Européen, internationaliste (comme les Nike) et multilatéraliste. En maths ça s’appelle l’inverse du Trumpisme —> pour lui l’élégant démocrate, le leadership US est d’autant plus fort qu’il s’exerce dans un cadre multilatéral.
Il est aussi francophone et francophile, parlant un français pratiquement parfait. Bien-sûr il vécu une partie de sa vie en France où il a été comme il se doit élève à Bilingue. Accessoirement son beau-père était le Mensh et “powerhouse lawyer” survivant de la Shoah, Samuel Pisar.
Le probable futur Secretary of State a passé 6 ans au Sénat aux côtés du Président-élu, comme la plupart des membres de l’entourage senior de Joe Biden.
Antony Blinken a son double : Anthony Luzzatto Gardner (il y a une différence mais je vous laisse la trouver), le fils de la proche amie de sa mère, Danielle Luzzatto Gardner. Ils ont tout en commun : ils habitaient tous les 2 dans l’Upper East Side, étaient dans une prep school différente (Dalton pour Blinken et St. Bernard pour Gardner), puis ils ont tous les 2 fait Harvard puis Columbia (où le professeur de Blinken était… le père de Gardner : comme c’est cute) puis les 2 BFF ont intégré ensemble le Conseil de Sécurité du Président Clinton, le même Clinton qui a nommé ambassadeur le père de chaque Tony : la Hongrie à Blinken Sr. et l’Espagne à Gardner Sr. L’ère Obama marquera une nouvelle élévation pour les jeunes aristocrates de la East Coast teinté de parisianisme bon ton : Antony sans H servira comme top advisor à la Maison Blanche (le notre) et Anthony avec un H comme ambassadeur américain à Bruxelles (version capitale européenne).
La famille Blinken est une vétérante de la politique. Blinken a rencontré son épouse lorsque tous les deux exerçaient leurs talents à la Maison Blanche avant de poursuivre des carrières brillantes tandis que la demi-sœur de Blinken a travaillé au Département d’Etat alors qu’au même moment son père était ambassadeur en Hongrie et son oncle était ambassadeur en Belgique. Enfin son beau-père, le grand Samuel Pisar, était un conseiller écouté de JFK et de la plupart des présidents de la République française.
Blinken est juif. Ce creuset culturel est important car c’est notamment son beau-père qui, comme dit plus haut, était un survivant de la Shoah, qui l’a grandement sensibilisé aux horreurs de la guerre et aux violences en général.
C’est un interventionniste. Il a prôné notamment l’interventions sur le terrain syrien ou encore en Libye et était un conseiller écouté de Biden quand il a soutenu l’intervention en Iraq en 2003.
Il joue à la guitare et au foot (je ne sais pas quoi dire de plus).
C’est Antony sans H, attention, merci.
💲Janet Yellen's road to U.S. Treasury Secretary (Reuters, Nov. 23, 2020)
Par Ann Saphir
✏️ Ce qu’il faut retenir de Janet Yellen, qui devrait être la prochaine Secrétaire du Trésor, et dont la nomination a beaucoup beaucoup beaucoup réjoui les marchés
A 74 ans, Janet Yellen devrait devenir Secrétaire au Trésor de l’Administration du futur Président Biden. Cette nomination est l’aboutissement d’une carrière de plusieurs décennies où Mme Yellen a souvent été la première femme à occuper les rôles qui étaient les siens dans ce monde très masculin de la politique économique et monétaire —> Elle ainsi été la première banquière centrale de l’histoire américaine (2013).
Mme Yellen est la fille d’un médecin généraliste et d’une prof d’école primaire de Brooklyn. Après un PhD de Yale, elle enseigne l’économie à Berkeley, Harvard, et la London School of Economics. Elle occupe ensuite plusieurs postes de responsabilité à la Fed – y rencontrant son mari le futur Prix Nobel George Akerlof (néo-keynésien connu notamment pour son travail sur la fameuse asymétrie d’information et le consécutif market for lemons). Elle travaillera aussi comme présidente du conseil économique du Président Obama.
Quels ont été ses chevaux de bataille en matière de politique économique et monétaire ?
La future probable Secrétaire au Trésor a écrit des papers importants sur l’importance la politique de relance en temps de récession (suivez mon regard de 2020).
Yellen a été impliquée dans plusieurs des principaux changements de la Fed en 100 ans d’histoire : (1) la fixation à 2% de l’objectif d’inflation, (2) sur le sujet de l’inégalité, la mise en avant du cadre du plein-emploi inclusif, et (3) le changement de cadre théorique démontrant que sans faire monter l’inflation on pouvait voir baisser le taux de chômage (vraie révolution qui a ainsi généré des millions d’emplois américains).
Elle a été très critiquée pour avoir monté les taux (de zéro) trop tôt en 2015, ce qui a ralenti la reprise de l’économie.
📻 Les radios unissent leurs forces dans le digital (Les Échos, 23 novembre 2020)
Par Marina Alcaraz
✏️ Les choses à retenir de ce projet important pour ce média génial qui est plus que l’ancêtre des podcasts
Après une longue préparation, au printemps naîtra Radioplayer France, une plateforme numérique qui regroupera les contenus de la quasi-intégralité des radios françaises (du groupe Radio France, du groupe M6, Next Radio TV, indépendants, etc.) —> au total 194 radios et 700 webradios donc 88% de l’audience.
Pour ceux qui ont suivi c’est un peu le Salto de la radio quoi.
Société commerciale, Radioplayer France a un coût de l’ordre de 5 millions d’euros.
Nous avons dénombré des enjeux principaux au nombre de 3 :
Reprendre le contrôle de leurs flux et s’assurer ainsi de leur qualité, et ce alors que certaines plateformes tierces captent ces flux pour les distribuer sans concertation.
Être à la hauteur pour la voiture connectée —> alors que 50% de l’écoute se fait hors-domicile (notamment en auto) et 15% en numérique, le meilleur est à venir sur la radio digitale. Il faut donc pouvoir parler d’une voix commune aux constructeurs, leurs voitures connectées étant des vecteurs importants en matière de distribution de contenu.
Être des interlocuteurs de poids pour les enceintes connectées, qui mettent d’abord en avant les agrégateurs, ce qui peut créer des atteintes à la neutralité (i.e. la radio payant plus pourrait être davantage mise en avant, etc).
🛍️ Wish reveals $1.7bn revenue as it joins rush of tech IPOs (Financial Times, Nov. 20, 2020)
Par Miles Kruppa et David Carnevali
✏️ 3 choses à retenir sur la market-place Wish, déjà très connue de beaucoup d’observateurs, et dont les e-mails quotidiens font le bonheur de beaucoup (mais pour des raisons différentes)
Pitch —> Fondé par un ancien de Google, Wish est une plateforme californienne de e-commerce qui vend toutes sortes de produits principalement chinois et notamment électroniques mais surtout pas chers du tout. En outre un système de discount en mode vente à la criée, avec des réductions spectaculaires sur des prix déjà vraiment bas, donne un air de marché populaire à ce site à l’apparence rudimentaire.
Concrètement on trouve des produits de beauté à 3 dollars, une boite d’outils à 16, ou encore une caméra-vidéo à 104, etc.
Traction & Valo. —> Sur les 9 premiers mois de 2020, Wish a réalisé 1,7 milliards de dollars de revenus pour 176 millions de pertes. Sa dernière valo était de 11,2 milliards et la prochaine intro en bourse devrait cristalliser plutôt une capi boursière de 25 à 30 milliards (versus 40 prévus initialement).
Downside —> le succès en matière de traction commerciale (et de vraie existence dans la culture populaire puisque désormais on peut désigner toute chose comme étant la “version Wish” de la version originale : par exemple si je cuisine je peux dire que je suis Cyril Lignac de Wish, si je joue aux échecs le Kasparov de Wish, au tennis le Stefan Edberg de Wish, etc.) doit être relativisé par deux / trois choses. On pourrait parler de la faible qualité / sécurité des produits (un peu le corollaire du prix très bas), des risques de tensions douanières entre la Chine et les US, et de la dépendance très importante à la Chine, d’où viennent la plupart des marchands (l’épidémie de Covid a provoqué une baisse de l’offre au début de l’année, même si en même temps cette dernière a conduit à une hausse des commandes sur internet).
Conclusion : on va suivre de près le parcours boursier de ce phénomène de société et de cette très belle machine marketing.
🛒 As Customers Move Online, So Does the Holiday Shopping Season (The New York Times, Nov 24, 2020)
Par Michael Corkery et Sapna Maheshwari
✏️ Article passionnant sur le changement de paradigme dans le retail
Normalement Thanksgiving marque le début de la saison des achats de noël. Mais cette année bien-sûr, rien ne se passera comme prévu. Ainsi, signe des temps et de l’irrémédiable digitalisation, Macy’s a transformé début novembre deux de ses stores en “dark stores”. Dark stores = l’espace est utilisé pour stocker, préparer les commandes et gérer les retours.
Bien-sûr, et on l’a déjà allègrement dit ici, 2020 est une accélération d’un phénomène séculaire de digitalisation du commerce : on parle de point d’inflexion. Un peu partout, on voit exploser le e-commerce (certains disent qu’il a été fait en 18 mois ce qui aurait du prendre 5 ans : invérifiable). Par exemple : les ventes en ligne de Walmart ont augmenté de 79% au troisième trimestre, celles de Target de 155% et celles d’Amazon de 37%.
Cette année le e-commerce devrait donc représenter 20% des ventes versus 16% un an plus tôt (Forrester Research). Le corollaire de cette accélération de la montée en puissance du digital (le physique représentant encore clairement l’essentiel : il ne faut pas sur-simplifier la réalité) a 2 effets contraires sur l’immobilier :
Un impact négatif fort sur l’immobilier commercial. Concrètement on a besoin de moins d’espace de vente. A Manhattan par exemple, le nombre de baux nouveaux ou prorogés a, selon CBRE, diminué de 31% tandis que les loyers ont chuté de 13%. L’ajustement des prix pourra faire revenir les locataires, sans pour autant totalement compenser le mouvement séculaire en cours.
Un impact mécaniquement positif sur l’immobilier industriel (logistique) qui consiste dans le stockage des produits vendus par les e-retailers notamment.
“The retail industry’s rapid transformation is equally vivid in the boroughs outside of Manhattan. Rising from the sites of long idled factories, more than a dozen e-commerce warehouses are being built to feed New York’s insatiable need for same-day deliveries. Warehouse leases were up 70 percent in the third quarter from the previous quarter.”
🐦 On manque encore de recul pour mesurer tous les effets de l’accélération en cours de la révolution. Bien-sûr il y aura toujours un retail physique de qualité avec des sociétés de qualité. Néanmoins on doit se fier à l’évidence : une partie du vide ne pourra pas être comblée et on ne sait absolument pas à date qui occupera ces espaces, comme on le voit par exemple dans les centre-villes de municipalités petites et moyennes.
🐉 L’Asie, grand vainqueur du combat contre le Covid (Le Figaro, 20 novembre 2020)
✏️ Bien-sûr, la crise du Covid c’est aussi une rupture dans l’équilibre mondial qui prévalait avant, et ce au profit de l’Asie
Tout d’abord les faits, rien que les faits. Comparaison n’est pas raison mais quand même. Quand la Corée du Sud (52 millions d’habitants) regrette 496 morts du nouveau coronavirus, la France (67 millions) plus de 47.000. Ce fossé sanitaire peut être généralisé à celui entre l’Europe ou les U.S. (qui s’efforcent tant bien que mal de juguler la deuxième vague un an après le début de l’épidémie) alors que, comme on dit, “la vie a repris ses droits” de Pékin à Séoul en passant par Taipei (7 morts et 607 cas de Covid à Taiwan). Les masques tombent en Asie donc.
Ce fossé sanitaire aux airs de décrochage laisse présager des implications considérables en matières sociétale, économique, et bien-sûr géopolitique. 2020 aura donc marqué le basculement du monde vers l’Est, avec une Europe et une Amérique totalement dépassées quand la Chine et ses voisins ont géré d’une main de maître ce virus dévastateur : l’Asie retrouve un peu la place centrale qui avait été la sienne il y a des siècles.
Alors que 2008 avait montré la fragilité du système financier occidental, 2020 a mis en exergue celle de son système sanitaire, pourtant mis en avant, notamment en Europe, comme un benchmark absolu.
Bien-sûr cette crise des démocraties libérales est une remise en cause plus globale puisque les pays asiatiques ont un modèle de gouvernance reposant sur des principes différents, comme mis en avant notamment en Chine. A un shift économique pourrait donc s’ajouter un shift politique, avec un Occident sur la défensive versus une zone Pacifique retrouvant, en vase-clos, une vie normale. La fin de l’Histoire n’a jamais été aussi lointaine.
Merci à tous ;)
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