Chers tous,
Nous espérons que vous vous portez bien et que vous n’êtes pas atteints par le(s) climat(s) ambiant(s).
La thématique de la semaine était le tragique (plus que le comique malheureusement) de répétition, avec la plupart de nos boussoles cognitives mises à mal par l’éternel recommencement (à la Nietzsche donc).
En même temps, les choses avancent à pas de géant et les bouleversements à venir — en matière de technologie spécialement, avec la montée en puissance radicale du web3 — vont sans doute être de l’ampleur d’une révolution copernicienne.
Surtout nous apprenions dimanche soir dernier la disparition du génie Virgil Abloh, dont nous avons parlé il y a quelques mois dans D7. Mort sur le champ de bataille de la maladie du siècle, Virgil aura laissé une empreinte indélébile sur le monde de la création et son foudroiement si jeune vient nous rappeler la vigueur des principes ancestraux : Amor fati, mais aussi, comme la semaine dernière, Carpe diem. Nous prions pour lui, sa famille, ses équipes, et tous ceux qui l’aimaient.
Cette semaine est aussi l’occasion d’introduire une nouveauté dans Dimanche Seven, avec l’arrivée de mon frère cadet de 15 ans, Sacha Edberg, comme co-rédacteur. Le fait qu’il appartienne à la Génération Z, son intérêt pour la chose publique, et son énergie viendront ainsi me supplanter / compléter. On dit bienvenue à Sacha !
Bonne fin de weekend, prenez-soin de vous, amitiés,
Grégory & Sacha
© Gagosian - Brice Marden, Nebraska, 1966
😢 Virgil Abloh, Path-Blazing Designer, Is Dead at 41 (New York Times, 3 Dec. 2021)
Par Vanessa Friedman
Résumé en 1 phrase : Comme nous l’apprenions la semaine dernière avec stupeur, le designer de génie Virgil Abloh, connu pour avoir transcendé les frontières de la mode avec brio, est décédé à 41 ans des suites d’une forme rare de cancer qu’il combattait en toute discrétion depuis 2 ans.
Virgil Abloh était l’exemple paroxystique de la réussite self-made. Directeur artistique pour la collection hommes du vaisseau amiral de LVMH, Louis Vuitton, il avait aussi fondé sa propre marque, Off-White.
On l’aimait par dessus tout car dans un monde où le clivage fait vendre, il avait décidé d’être un barrier breaker plutôt qu’un wall builder. Et nous croyons très fort à ce continuum entre les styles, les sensibilités, les arts, etc.
Mais outre son génie créatif au sein de ces deux marques, Virgil Abloh était connu pour ses (très) nombreuses collaborations, par exemple avec Nike ou encore Evian. C’est que sa capacité à jouer le rôle de re-générateur pour les nouvelles générations était d’une puissance considérable.
Mais en quoi consistait exactement ce génie dont tout le monde parle ? :
“Mr. Abloh transformed not just what consumers wanted to wear, bridging hypebeast culture and the luxury world, but what brands wanted in a designer — and the meaning of “fashion” itself.”
Alors que les questions relatives à l’identité sont de plus en plus pregnantes, l’approche du créateur était en quelque sorte de créer des vêtements-totems qui faisaient le lien (polymathie bonjour) entre les arts comme la musique mais aussi la philo et bien sûr la politique.
Bien sûr, Virgil Abloh a aussi marqué les esprits comme l’Afro-américain qui est monté le plus haut dans l’industrie colossale de la mode.
“Just last July, he had been promoted to a new position within LVMH that would allow him to work across the group’s 75 brands, making him the most powerful Black executive in the most powerful luxury group in the world.”
Hommage puissant à Virgil lors du show Louis Vuitton à Miami pendant Art Basel cette semaine.
☢️ Comment Macron veut faire émerger des start-up dans le nucléaire (Le Figaro, 28 Nov. 2021)
Résumé en 1 phrase : Le PR va déployer 1 milliard d’euros pour faire décoller de jeunes sociétés dans ce secteur ultra-réglementé et sensible qu’est le nucléaire — une thématique très à la mode en ce moment (fondée par Bill Gates, TerraPower va par exemple construire pour 4 milliards de dollars son premier réacteur nucléaire avancé).
Il n’y a pas que les EPR 2 dans la vie pour renouveler un parc nucléaire qui a besoin d’être mis à jour : il y a les startups aussi.
Les thématiques sont aussi larges que cruciales, au premier rang desquelles : petits réacteurs et retraitement des déchets. Pour ce faire, 1 milliard d’euros seront déployés d’ici 2030, avec l’objectif de démarrer très vite
«Des start-up et des PME françaises sont en train de proposer des innovations de rupture dans le nucléaire», soulignait Emmanuel Macron le 12 octobre en présentant son plan d’investissement France 2030.
3 pépites technologiques révolutionnaires ont ainsi été identifiées par l’Etat comme les premiers membres de cette cohorte qui a pour vocation de changer le nucléaire :
Naarea qui développe un mini-réacteur réemployant du combustible usagé (ces réacteurs ne sont pas plus puissant qu’un barrage hydroélectrique).
Idem pour Transmutex.
Jimmy Energy lui vise la chaleur décarbonnée pour l’industrie.
En agissant pro-activement, le gouvernement épouse le mouvement en cours aux Etats-Unis, ou +10 startups développent leur petits réacteurs modulaires (PRM, SMR en anglais). L’idée est la suivante : ne pas rater un futur SpaceX.
C’est que, par construction, le secteur est fermé et très réglementé, ce qui représente un frein mécanique pour l’innovation par des acteurs plus jeunes. Il s’agit de casser les codes pour faire émerger des innovations de rupture — exactement comme on le voit en ce moment de l’autre côté de l’Atlantique. D’où les appels à projet du gouvernement.
💸 What is Waystar Royco’s true valuation? (Financial Times / Alphaville, 30 Nov. 2021)
Par Jamie Powell
Résumé en 1 phrase : Bien-sûr, dans ce papier d’Alphaville (FT) comme on les sur-aime, les éditeurs se sont amusés à recalculer la valeur du conglomérat imaginaire de la magnifique série Succession.
Spoiler alert : en faisant ces calculs back-of-the-enveloppe de valorisation, on s’avance un peu dans la saison 3 de la série HBO (que l’on peut voir sur OCS en France, par exemple avec Molotov). Je vous rassure : rien de grave.
Mais qu’est-ce-que Succession, cette série, probablement ma préférée avec Game of Thrones et Billions, qui raconte l’histoire d’une famille inspirée des Murdoch, mais aussi des Redstone (Viacom / CBS – dont on a déjà parlé ici aussi) ? Comme son nom l’indique la dynastie a des légers sujets de succession, le tour sur fond de digitalisation, fonds plus ou moins activistes, New York splendide, et jets et hélicoptères omniprésents. A voir donc. Un père, 4 enfants, une belle-mère : le cocktail parfait pour un game of thrones (tout reboucle).
Sans rentrer dans les détails, sur la base de plusieurs épisodes on arrive à une valorisation de c. 85 milliards de dollars pour l’empire des médias (en triangularisant la perte d’un investisseur en valeur absolue par rapport à son stake et une offre de rachat de minoritaire dans une term sheet).
Comparativement ViacomCBS cote 20 milliards de dollars, Disney 265 milliards de dollars, ou encore Altice USA 7 milliards de dollars. A noter, plus pertinent encore, qu’en 2019 le gros des actifs de loisirs de Rupert Murdoch avaient été acquis pour… 71 milliards de dollars. La famille possède aussi, à part, le réseau Fox News ou encore un groupe de média qui inclut le Wall Street Journal ou le New York Post.
Cela ne veut pas forcément dire beaucoup pour tout le monde, mais comme banquier d’affaires cet article est très touchant.
🤖 Niantic raises $300M at a $9B valuation to build the ‘real-world metaverse’ (TechCrunch, 22 Nov. 2021)
Par Amanda Silberling
Résumé en 1 phrase : Le développeur de Pokemon GO, Niantic, a levé 300 millions de dollars pour développer son metaverse, dont la conception est radicalement différente de celle de Facebook / Meta.
A première vue, la notion de metaverse fait écho à l’univers de la science-fiction plutôt qu’à celui de Pokemon. L’expression est d’ailleurs née de la plume du romancier américain Neal Stephenson, dont les écrits peignent des réalités alternatives futuristes, où la vie matérielle et les univers virtuels s’enchevêtrent en des dédales baroques.
C’est pourtant bien de Pokemon dont il s’agit avec Niantic, qui vient de lever 300 millions de dollars auprès de Coatue Management (pour une valorisation post-money de 9 milliards) afin de développer un real world metaverse.
Niantic est une plateforme de réalité augmentée et un développeur de jeux vidéos, qui fut notamment à l’origine de Pokemon GO. Son fondateur, John Hanke, porte une vision du metaverse à rebours de celle de Facebook / Meta, qu’il juge dystopique.
“As early as August, Niantic founder and CEO John Hanke has referred to the metaverse — at least, the one that renders us bound to VR headsets, like in “Ready Player One” — as a “dystopian nightmare.” ”
Il s’oppose en particulier à l’usage des casques de réalité virtuelle (qui couperaient l’utilisateur de la réalité physique) et y préfère les smartphones - qui permettraient précisément de rapprocher les utilisateurs du monde réel.
“At Niantic, we believe humans are the happiest when their virtual world leads them to a physical one,” Hanke said at the time. “Unlike a sci-fi metaverse, a real-world metaverse will use technology to improve our experience of the world as we’ve known it for thousands of years.”
A titre d’exemple, les joueurs de Pokemon GO sont incités à marcher (près de 11 milliards de pas en cumulés depuis la création) et à jeter un regard neuf et plus profond sur leur environnement.
“You might walk by the same mural every day, for example, but in Pokémon GO, a user-generated Pokéstop description might tell you what that mural actually represents.”
L’avenir dira quelle vision du metaverse l’emportera, entre le modèle lourd de Facebook / Meta (nécessité d’un casque VR, donc accès réservé à une petite minorité d’utilisateurs) et le modèle léger de Niantic (accessibilité très large, mais moindre immersion).
🍄 Psychedelics can change humanity for the better. It’s time to unlock their power (The Guardian, 26 Nov. 2021)
Par Rick Doblin
Résumé en 1 phrase : Une série d’études sur des psychotropes psychédéliques (incluant la MDMA et la kétamine) ouvrent la voie à des applications thérapeutiques
L’essentiel des produits en question sont interdits à la consommation et à la vente dans la plupart des pays de l’OCDE.
Une série d’études tend cependant à montrer que dans des conditions d’usage adaptées, ces drogues sont susceptibles d’induire des effets curatifs très positifs pour les patients souffrant de syndromes post-traumatiques ou d’autres affections mentales
Certains états américains ont transformé leur cadre légal afin d’intégrer les résultats de ces recherches dans leurs approches thérapeutiques. Ainsi, l’Oregon a décriminalisé la possession de la plupart des drogues et supervise des expérimentations.
Aux Etats-Unis, cette tendance lourde est accélérée par des startups qui parient sur une massification de l’usage de drogues psychédéliques à usage thérapeutiques. A titre d’exemple, Field Trip Health lance des cliniques dédiées aux traitements à base de kétamine.
Ces avancées de la recherche scientifique soulèvent des enjeux éthiques délicats : où se situe la frontière entre un médicament et une drogue ? Comment distinguer l’usage récréatif de l’usage thérapeutique ? Elles invitent cependant à une réflexion ouverte.
🐄 Cows are no longer essential for meat and milk (The Economist, 2 Oct. 2021)
Résumé en 1 phrase : Les substituts aux produits d’origine animale se diffusent rapidement et se diversifient
Il y a une dizaine d’années, les laits végétaux étaient introuvables dans les cafés - aujourd’hui, beaucoup d’entre eux offrent plusieurs options. En 2020, le marché des “produits laitiers non-laitiers” générait 20 milliards de dollars par an à l’échelle mondiale et représentait 15% de part de marché parmi l’ensemble des produits laitiers aux Etats-Unis.
De même, les substituts à la viande se perfectionnent et leur goût est de plus en plus difficile à distinguer. L’américain Beyond Meat, crée en 2009, a vu son chiffre d’affaires croître de 36% entre 2019 et 2020 (pour atteindre 406 millions de dollars) et est désormais valorisé à 7 milliards de dollars. C’est le leader mondial du marché, mais des challengers (tels que le français Happyvore) émergent.
Ces substituts à la viande et au lait ont un impact environnemental très inférieur - la croissance de ce marché est donc une bonne nouvelle à cet égard. Elle est cependant limitée par le prix de ces produits, qui demeure nettement plus élevé que celui de leurs équivalents d’origine animale.
L’enjeu des prochaines années sera de réduire les coûts de production - puis les prix. Une solution pourra consister dans l’entrée sur le marché d’acteurs traditionnels de l’agro-alimentaire, qui s’appuieront sur leur expérience et les économies d’échelle.
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