Mes chers amis,
Je dois vous faire une confidence. Jâai dĂ©sinstallĂ© LinkedIn de mon tĂ©lĂ©phone et me suis rĂ©solu Ă ne le consulter quâune fois le matin et une fois lâaprĂšs-midi depuis mon or-di-na-teur por-ta-ble (bien prononcer les syllabes suffit Ă analyser cette dĂ©cision). De mĂȘme me suis-je aussi dĂ©cidĂ© Ă dĂ©sactiver la plupart des alertes de sites de news français et ai-je rĂ©duit la voilure de mon Twitter.
Je me fĂ©licite D.ieu merci de cette avalanche de bonnes nouvelles (de la chute probable du rĂ©gime Omicron Ă une campagne Ă©lectorale française qui sâannonce vive ou bien-sĂ»r Ă lâaccĂ©lĂ©ration tant attendue de la digitalisation de nos Ă©conomies et des mouvements considĂ©rables de capitaux qui en dĂ©coulent â câest dâailleurs un peu le principe dâune rĂ©volution industrielle).
Sans me prononcer sur le fond des choses, je rĂ©alise Ă quel point nous sommes plusieurs dizaines, voire centaines, de fois par jour confrontĂ©s quotidiennement aux *** mĂȘmes informations ***, parfois jusquâau vertige (plus celui de la rĂ©pĂ©tition et du jour sans fin que de lâascension du Mont Analogue de RenĂ© Daumal, le livre de chevet du PrĂ©sident Mitterand). Et peut-ĂȘtre mes origines dâEurope de lâEst (mais aussi dâEurope du Sud et dâAfrique du Nord) mâobligent-elles Ă me mĂ©fier de ce soudain bon sens cĂ©lĂ©brĂ© par tous, partout, et tout le temps. Comme si nous revivions (encore) une Fin de lâHistoire. On connait la suite.
Pour cette Ă©dition (un peu) contrariante, ou juste moins consensuelle de Dimanche Seven, jâai donc voulu aborder plusieurs sujets destinĂ©s Ă nous faire rĂ©flĂ©chir parfois en dehors des sentiers battus et parfois pas.
Pour faire avancer le monde, tùchons de préserver cet esprit critique si profondément français ;)
Amitiés, prenez soin de vous,
Grégory
© Antonello de Messine - 1475 - Le Condottiere (conservé au Louvres mais naturellement peint à Venise, pour nous faire plaisir).
đ©đ»âđ» BlackRock's Larry Fink says the old world of work is 'gone' and that's why everyone is quitting (Business Insider, 180122)
Par Juliana Kaplan
Que dire sinon que Larry Fink, le PDG de BlackRock (le plus grand gestionnaire de capitaux du monde avec pas loin de 10 trillions de dollars) a lâaura dâun Chef dâEtat et que sa lettre annuelle aux PDG est Ă ce titre trĂšs suivie ?
Cette annĂ©e, parmi les tendances mises en exergues, une a particuliĂšrement retenu lâattention des observateurs : ses propos sur le nombre-record de dĂ©missionnaires, parfois appelĂ© âThe Great Resignationâ.
"Companies expected workers to come to the office five days a week. Mental health was rarely discussed in the workplace. And wages for those on low and middle incomes barely grew," Fink wrote. "That world is gone."
En novembre â comme on en a dĂ©jĂ parlĂ© ici â 4,5 millions de travailleurs amĂ©ricains ont quittĂ© leur job dont 1 en restauration & hĂŽtellerie, provoquant naturellement une hausse des salaires.
On connait Ă peu prĂšs les raisons de cette Grande DĂ©mission (terme inventĂ© par le psychologue des organisations Anthony Klotz) : la pandĂ©mie et la peur de la mort qui rebat les cartes (i.e. on demande plus Ă ses employeurs car le systĂšme sur lequel notre vie est bĂąti est remis en cause ou du moins rĂ©-ordonnĂ©) mais aussi comme le souligne Fink, une croyance optimiste dans lâĂ©conomie amĂ©ricaine.
The 'Great Resignation' signals a cultural and economic shift
La solution à cette méga-tendance partie pour durer : la nécessaire adaptation des entreprises à la nouvelle réalité (en somme se montrer empathique, ce qui est notamment le trait de caractÚre du capitalisme familial).
"Companies not adjusting to this new reality and responding to their workers do so at their own peril," Fink said. "Turnover drives up expenses, drives down productivity, and erodes culture and corporate memory. CEOs need to be asking themselves whether they are creating an environment that helps them compete for talent."
đ Carlos Tavares : avec la voiture Ă©lectrique, « la brutalitĂ© du changement crĂ©e un risque social » (Les Echos, 180122)
Interview de Carlos Tavares par Dominique Seux et Lionel Steinmann
A lâoccasion de cet entretien exceptionnel, le CEO du groupe Stellantis (nĂ© lâannĂ©e derniĂšre de la fusion entre PSA et Fiat Chrysler) Carlos Tavares exprime de sĂ©rieuses rĂ©serves sur la stratĂ©gie europĂ©enne de dĂ©carbonation du secteur automobile.
Carlos Tavares met spĂ©cifiquement en cause le choix par la Commission dâune transition fondĂ©e sur le vĂ©hicule Ă©lectrique. Celle-ci a en effet choisi une stratĂ©gie trĂšs abrupte, consistant Ă interdire les voitures diesel et Ă essence dĂšs 2035 tout en imposant aux Etats lâinstallation de bornes Ă recharge Ă©lectriques.
De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, les technologies Ă©lectriques coĂ»tent 50% plus cher que les technologies thermique, ce qui met en pĂ©ril le pouvoir dâachat des classes moyennes.
Dans le mĂȘme temps, la rapiditĂ© du calendrier de transition implique de lourdes et coĂ»teuses transformations industrielles qui pourraient menacer lâemploi, notamment dans les pays oĂč lâĂ©nergie est chĂšre comme lâItalie.
Du point de vue environnemental, si lâon examine lâimpact en CO2 dâun vĂ©hicule sur lâensemble de son cycle de vie (incluant, en amont, la fabrication de ses composants), les vĂ©hicules Ă©lectriques ne sont plus si Ă©cologiques que ça.
Avec le mix Ă©nergĂ©tique europĂ©en actuel, un vĂ©hicule Ă©lectrique doit rouler 70K km pour compenser la mauvaise empreinte environnementale de la fabrication de sa batterie - or le bilan carbone du mix Ă©nergĂ©tique pourrait se dĂ©grader dans un contexte dâimpopularitĂ© de lâĂ©nergie nuclĂ©aire.
Lâun dans lâautre, une stratĂ©gie fondĂ©e sur les vĂ©hicules hybrides lĂ©gers aurait sans doute Ă©tĂ© prĂ©fĂ©rable, quand on sait que ceux-ci coĂ»tent moitiĂ© moins que les vĂ©hicules Ă©lectriques.
đąïž Private Equity Funds, Sensing Profit in Tumult, Are Propping Up Oil (New York Times, 131021)
Par Hiroko Tabuchi
*** Un article dâoctobre remis Ă jour en novembre mais toujours totalement dâactualitĂ© et peut-ĂȘtre au moins plus ! ***
On connaßt tous la guerre ouverte menée aux énergies fossiles par les régulateurs ou les institutionnels qui, à terme, ne voudraient plus en entendre parler.
Et cette disruption majeure Ă laquelle doit faire industrie encore trĂšs importante pour le fonctionnement de nos sociĂ©tĂ©s nâen nâest pas moins une sĂ©rieuse opportunitĂ© pour les fonds dâinvestissements.
Depuis 2010, 1,1 trillions de dollars ont Ă©tĂ© injectĂ©s par les fonds de private equity dans le secteur de lâĂ©nergie, dont la majoritĂ© dans les Ă©nergies fossiles et seulement 12% dans les Ă©nergies vertes (qui bien-sĂ»r, effet base oblige, croisent plus vite).
DâoĂč vient lâopportunitĂ© pour les fonds (qui par ailleurs investissent de plus en plus massivement en Ă©nergie verte Ă©galement) ? Et bien principalement du fait que pour se conformer aux objectifs du rĂ©gulateur ou des investisseurs, les groupes industriels sont obligĂ©s de cĂ©der de plus en plus dâactifs jugĂ©s trop polluants (mais dont la demande ne faiblit pas vraiment pour des raisons de rentabilitĂ©). Idem pour les banques qui prĂȘtent de plus en plus difficilement pour ce type de sous-jacents.
âBy bottom-fishing for bargain prices â looking to pick up riskier, less desirable assets on the cheap â the buyers are keeping some of the most polluting wells, coal-burning plants and other inefficient properties in operation. That keeps greenhouse gases pumping into the atmosphere.â
đŠđ„ France hits startup funding target â but the bar has already been raised (Politico, 170122)
Par Pieter Haeck
Le prĂ©sident de la RĂ©publique avait fixĂ© en 2019 lâobjectif dâavoir 25 licornes françaises en 2025 - il nây en avait alors que 4. Cette barre a finalement Ă©tĂ© franchie lundi. Câest une trĂšs bonne nouvelle, mais quâon doit relativiser.
Les levĂ©es de fond ont grossi et se sont dĂ©multipliĂ©es partout : câest aussi (surtout ?) le produit de tendances macro-Ă©conomiques, Ă commencer par les politiques trĂšs expansionnistes des banques centrales qui ont inondĂ© le marchĂ© de liquiditĂ©s qui ont bien vocation Ă atterrir quelque part.
Ainsi, les start-ups françaises ont certes levĂ© 13 milliards de dollars en 2021 ; mais Ă titre de comparaison, lâĂ©cosystĂšme allemand a levĂ© 20 milliards et lâĂ©cosystĂšme britannique 40 milliards.
A ce stade, aucune start-up française nâa crĂ©e de marque mondialement identifiĂ©e, comme lâest par exemple le suĂ©dois Spotify. Pour illustration, la valorisation boursiĂšre de Spotify avoisine les 30 milliards de dollars - la France ne compte (pour lâinstant !) aucune start-up valorisĂ©e 10 milliards ou plus.
All in all, le plus dur a sans doute Ă©tĂ© fait : lâĂ©cosystĂšme français nâest plus toxique pour les start-ups et il est bien identifiĂ© par les investisseurs. Mais il faut aller de lâavant et massifier les ambitions : Ă quand une IPO (rĂ©ussie) ?